Pour que la mort de Rémi ne reste pas sans réaction, pour que ce qui se passe de créatif dans les ZAD devienne accessible à tous, nous avons occupé durant trois jours la place du Palais de Justice de Rouen, au cœur même de la ville. Nous, ça nous a marqué et nous en retirons une grande et belle expérience qui continue de faire son chemin…
Ce petit guide est une ébauche pour que chacun puisse entrer dans la danse.
Il reste encore à :
– indiquer les aspects légaux,
– illustrer,
– dessiner un mindmap de synthèse,
– ajouter des anecdotes et un peu plus d’humour,
… toutes les améliorations sont bienvenues !
Constitution du but
La réponse à un besoin urgent facilite grandement les convergences. Face à l’envie d’agir rapidement, les objectifs sonnent comme une évidence et rassemblent spontanément les acteurs.
Dans un mode aussi opératoire,les fondamentaux doivent être solidement partagés au sein du groupe. Ils deviennent des points de ralliement pour former une entité supérieure à laquelle toutes les parties prenantes adhèrent. Ainsi, commencer par faire consensus autour de la question “qu’est ce que nous voulons créer” permettra à chacun pour la suite de confirmer ou infirmer sa présence dans la construction collective, de la quitter ou de s’y conforter. Il peut être utile de les écrire pour s’y référer tout le long du processus.
Dans notre cas, nous nous sommes réunis autour du constat d’indifférence devant la mort de Rémi Fraisse. Nous voulons changer le monde mais nous devons tous y participer pour que ça fonctionne, il faut donc d’abord commencer par informer, sensibiliser, contrebalancer le lavage de cerveau généralisé. Nous ne voulons plus être stigmatisés et identifiés comme différents. Nous voulons être reconnu comme des personnes rếveuses, humaniste et prête afin qu’un maximum de personnes se sente concerné, soutienne, participe, se solidarise et forme un groupe cohérent à opposer à celui de nos dirigeants et à même de construire des alternatives.
Compétences du groupe
Dés lors que les fondamentaux sont clairement partagés, comment savoir si la composition du groupe est en mesure de relever le défi choisi ? Le choix de l’action est donc profondément lié à la capacité de création du groupe. Dans le cas d’une occupation, les défis matériels et intellectuels sont sur un plan d’égalité. Les “penseurs” qui écriront tracts et contenus de sites web ou répondront aux journalistes sont aussi indispensables que ceux qui construiront l’infrastructure, ceux qui décoreront le site ou ceux qui nourriront tout ce petit monde. Si votre groupe ne recouvre pas l’ensemble des besoins, alors il faut élargir ou revoir son action.
Pour que la structure organisationnelle soit la plus horizontale, des personnes à la fois capable d’assurer l’interface entre les domaines d’actions et de s’effacer au profit de la cause (du groupe) sont nécessaires. Quelles soient identifiées ou non, elles ne sont pas des chefs mais des facilitateurs. Elles émergent souvent pendant la phase préparatoire et acceptent ce rôle. Il faut garder à l’esprit que leur position est potentiellement libre car elles peuvent très bien être remplacées/aidées à tout moment, et peuvent même disparaître de la circulation.
Le choix de l’action
IL faut être réaliste par rapport aux moyens matériels et aux compétences dont dispose le groupe, et surtout il faut se faire plaisir ! Au delà de la lutte, c’est une expérience collective qui se doit d’être stimulante. On y participe car ça fait rêver, pas par devoir.
Même les actions aux apparences timides sont à considérer, il est préférable de faire un peu que pas du tout. « Beaucoup d’un peu, ça fait beaucoup ! ». Une distribution de soupe, quelques tracts et un infokiosque sont ainsi un moyen simple et efficace de démarrer.
Susciter la curiosité, le questionnement, l’intérêt jusqu’à l’adhésion : le mouvement “Occupy” est né (entre autre) de l’idée de faire des places publiques un lieu de rencontres, d’échanges, de résistances et de créations. Lorsque nous avons installé la première cabane en fin d’une manifestation d’environ 200 personnes, la surprise a été telle que tout le monde ou presque est resté sur place. Dans les minutes qui ont suivi, nous avons installé un “Porteur de parole” et invités les manifestants à y participer, trente minute plus tard, les premières soupes chaudes étaient servies.
Humour, arts, sourire, humilité, patience, écoute et générosité sont des clés de réussite.
D’un point de vu pratique, tout est possible. Il y en a qui survolent des centrales nucléaires en parapente et d’autres qui préfèrent proposer des conférences. Ce sont parfois les mêmes. Ce qui diffère sera principalement la préparation et les moyens immédiatement mobilisables. A nouveau, faites plaisir et faites vous plaisir !
La confidentialité
Un téléphone est sur écoute plus rapidement qu’on ne le croit, votre ordinateur aussi et les lieux de rencontres connus également.
A minima :
– enfermer tous les téléphones dans une autre pièce, ça évite aussi d’être coupé par des sonneries.
– utiliser des outils anonymisant pour communiquer sur Internet comme Retroshare (messagerie, fichiers…), TOR ou Tails.
– des PAD pour se tenir au courant dont les adresses ne sont pas transmises sur le net mais peuvent circuler sur des bouts de papier.
– des adresses e-mails sécurisées (Via vos propres serveurs, Riseup ou encore Wati).
– des hébergeurs de site web de confiance qui ne divulgueront pas votre identité et ne supprimeront pas le site web sur un simple coup de fil du ministère.
Occuper une place aussi centrale que celle du Palais de justice de Rouen requiert un minimum de préparation et de pratiques. Bien que “rien n’est impossible”, il y a des choses qui ne s’improvisent pas. Avec cette ZAD urbaine spectaculaire, Nous avons planté une gaine entre les pavés de toutes les villes. Ce petit texte, c’est comme de l’engrais pour l’aider à pousser plus vite. Amusez-vous bien !